L'ingénieur Albert Caquot a participé à la construction du barrage de la Rance et du barrage d'Arzal, mais
il est aussi connu pour de nombreux ouvrages, en France et à l'étranger. L'Usine marémotrice de la Rance (Ille-et-Vilaine) (1961-1966) Âgé de 80 ans, il apporte à EDF une solution très ingénieuse pour barrer la Rance à son embouchure. Le barrage de 750 m de longueur, outre sa production
d'électricité, devait supporter une route à deux fois deux voies reliant Saint-Malo à Dinard. Des marées de près de 13 m d'amplitude rendaient très
difficile ce problème, engendrant des courants de plus en plus violents au fur et à mesure que l'on tentait de fermer la passe. La Rance débite 18.000 m3/s à
mi-marée de vives eaux. Le courant devenait de plus en plus violent lorsque la bouchure se développait à partir de chacune des rives. Celle-ci était réalisée
par EDF sous forme d'enceintes circulaires de palplanches remplies de sable : à partir d'une certaine vitesse de courant, il devenait impossible de mettre en
place ces dispositifs qui tendaient à se coucher sous la force du courant, les palplanches se désagrafant les unes des autres. Depuis des temps très anciens, l'homme a cherché à utiliser l'énergie des marées. Les premiers moulins à
marées sont apparus en France, sur les côtes bretonnes, dès le XII ème siècle. La force motrice au moulin
était produite, au rythme des marées, par un système de barrage muni de vannes et d'une roue à aubes.
UTILISATION DES MARÉES
Le principe de fonctionnement des anciens moulins à marées dont quelques uns subsistent encore dans l'estuaire était le
suivant :
- une digue fermant une anse formait un bassin,
- des vannes permettaient le remplissage du bassin à marée
montante,
- une roue à aubes assurait le vidage du bassin au jusant
(marée descendante) en produisant la force motrice.
Ces moulins qui ne produisaient de l'énergie qu'une fois par
marée réalisaient un cycle à
Après 25 ans d'études, l'usine a été construite entre la pointe de la Briantais en rive droite et la pointe de la Brebis sur la rive gauche, s'appuyant au passage sur l'îlot de Chalibert. Les ouvrages ont été construits à sec, à l'intérieur de 3 enceintes de batardeaux exécutées dans l'ordre chronologique suivant : - une enceinte rive gauche pour la construction de l'écluse, constituée de murs en béton exécutés à la marée basse et incorporés dans l'ouvrage définitif. - une enceinte rive droite, s'appuyant sur l'îlot de Chalibert, pour la construction du barrage mobile. Cette enceinte était constitué par des gabions de palplanches à âme plate, remplis de sable de 16 à 19 mètres de diamètre. - une grande enceinte pour l'édification de l'usine et la digue morte. Cette enceinte comprenait le batardeau de coupure au nord, côté mer, et un batardeau sud, côté estuaire, en gabions de palplanches. Pour fermer la partie centrale du batardeau de coupure, on utilisa une technique inédite. En effet, il n'était pas possible de construire directement des gabions en palplanches dans les courants dont la violence augmentait avec le rétrécissement du passage. Des caissons cylindriques creux ont été échoués tous les 21 mètres sur des embases préparées à l'avance. Pour accroître leur stabilité, ces caissons furent remplis de sable, les espaces entre caissons étant fermés par des planches en béton armé à raison d'un intervalle sur deux, ce qui permit de construire des gabions ancrés sur les caissons. Les passes restantes furent fermées de la même manière. Ensuite le batardeau sud a été achevé en eau morte.
Ce processus d'exécution résultait d'essais réalisés sur un
modèle réduit de la Rance au 1/150e construit aux abords du port de Saint Malo.
DESCRIPTION DES OUVRAGES
L'usine marémotrice de la Rance est la première au monde à produire de l'électricité grâce à la force des
marées. Elle a été construite de 1961 à 1966 sur le site exceptionnel de l'estuaire de la Rance. La marée remplit et vide
l'estuaire deux fois par jour avec un débit maximal de 18 000 m3/s . Cet ouvrage d'une longueur de 750 mètres édifié sur des fonds granitiques descend à -13 mètres par rapport
au niveau 0 des cartes marines. Le principe de fonctionnement est le même que celui des moulins à marées, mais grâce au groupe bulbe qui
permet de turbiner dans les deux sens d'écoulement de l'eau, l'énergie est produite aussi bien au remplissage qu'au vidage du bassin. C'est le cycle
L'ensemble des ouvrages comprend de la rive gauche à la rive droite : - une écluse rétablissant la navigation entre la Rance et la mer. - l'usine située dans la partie la plus profonde de la Rance qui abrite 24 groupes bulbes. - une digue en enrochement dite digue morte complétant la fermeture de l'estuaire entre l'usine et l'îlot de Chalibert. - un barrage mobile équipé de 6 vannes qui relie l'îlot de Chalibert à la culée rive droite. L'ouvrage supporte une route à grande circulation reliant Dinard à Saint Malo; constituée par deux chaussées de 7 m de large avec terre-plein central, elle franchit l'écluse à l'aide de deux ponts levants de 9 m de largeur chacun. L'écluse dont le radier est calé à la cote +2 du zéro des cartes marines comporte un sas de 65 m de longueur et 13 m de largeur. Elle est équipée à chaque extrémité d'une porte à deux vantaux qui pivotent chacun autour d'un axe vertical et s'effacent dans les bajoyers en position ouverte. La manuvre de l'écluse et des ponts routiers est assurée d'un poste de contrôle situé dans le batiment administratif sur le bajoyer Est de l'écluse.
La salle des machines est constituée par une digue creuse en béton armé de 390 m de longueur et de 33 m de largeur entre les parements
extrêmes. Elle est divisée en 28 travées par des contreforts équidistants de 13,30 m et couverte par une voûte qui supporte la
route. Trois travées sont occupées par les ateliers d'entretien et les aires de démontage. Les 25 suivantes abritent les 24 groupes, les 3
transformateurs principaux ainsi que les salles de commande. La dernière travée de démontage et celle de la salle de commande comportent
chacune un puisard descendant jusqu'à la côte -17,50 où sont collectées les eaux d'infiltration et de rejet. Chaque puisard est
équipé de 8 pompes, d'une capacité globale de refoulement de 2,4 m3 par seconde.
C'est le barrage en enrochement de 163 m de longueur dont l'étanchéité est assurée par un noyau central en béton comportant une galerie visitable. Cet ouvrage s'appuie côté rive gauche sur le mur qui termine l'usine et côté rive droite sur l'îlot de Chalibert.
Des précautions ont dû être prises pour assurer la protection des deux parements soumis alternativement aux effets de la houle. Long de 115 mètres, il est constitué de 6 vannes du type wagon manuvrées chacune par un servomoteur à huile. La hauteur de levée est de 10 m et la largeur de chaque passe de 15 mètres. Cet ouvrage, controlé depuis la salle de commande de l'usine, peut assurer le passage d'un débit total de 9600 m3
seconde sous une dénivellation de 5 m. Il permet l'équilibrage rapide des niveaux en vue du vidage ou remplissage du bassin. L'usine est équipée de 24 groupes générateurs identiques d'une puissance de 10 MW (1 MW = 1 000 KW). Les groupes bulbes mis au point pour l'usine marémotrice se composent d'une turbine et d'un alternateur qui produit l'électricité. Ils ont la particularité de fonctionner à marée montante et à marée descendante. Ces groupes rassemblent dans une même coque métallique immergée dans un conduit hydraulique : - une turbine Kaplan horizontale à 4 pales, tournant à 93,75 tr/mn et pouvant absorber un débit de 275 m3/s. - un alternateur de 10 MW fonctionnant dans l'air surpressé à 2 bars absolus sous une tension de 3 500 V. Ils peuvent fonctionner indifféremment en pompe ou en turbine, leur sens de rotation étant déterminé par le sens d'écoulement de l'eau. Toutes les informations nécessaires à la bonne marche de l'usine convergent vers la salle de commande. Le système informatique local assure le pilotage automatique de l'ensemble de l'usine. Il fixe les conditions de fonctionnement des groupes et des vannes à partir d'un programme élaboré hebdomadairement par un ordinateur central, extérieur à l'usine. Le recours à un ordinateur central est imposé par la
complexité des calculs d'optimalisation de la production qui doivent tenir compte entre autres des caractéristiques propres à chaque
marée et de la variation du coût de l'énergie en fonction du temps.
PRINCIPALES ÉTAPES DE RÉALISATION Janvier 1961 .................... Début des travaux 19 novembre 1962 ........... Mise en service de l'écluse 24 mars 1963 .................. Mise en service du barrage mobile 20 juillet 1963 ................. Coupure définitive de la Rance, Document INA. Mars, avril 1966 ............... Mise en eau progressive de l'usine 19 aout 1966 ................... Couplage du premier groupe 26 novembre 1966 ............ Inauguration par Ch. de Gaulle, Président de la République, discours inaugural. 26 novembre 1966 ............ Inauguration, Document ORTF / INA. 26 novembre 1966 ............ Émission du timbre poste commémoratif de l'inauguration de l'usine. 01 juillet 1967 ................. Inauguration de la route franchissant les ouvrages 04 décembre 1967 ............ Mise en service du 24e groupe
Puissance
installée : 240 MW Productivité
nette annuelle : 544 millions de KWh (énergie de pompage déduite) Energie
consommée pour le pompage : 64,5 millions de KWh Nombre
de groupes : 24 Turbines
Type Kaplan horizontale, distributeur conique :
diamètre
de la roue : 5,35 m Nombre
de pales : 4 Inclinaison
des pales variables de - 5° à + 35° Alternateurs Type
synchrone Vitesse
de rotation normale : 93,75 tr/mn Tension
de sortie : 3,5 KV L'usine marémotrice de la Rance produit
l'équivalent de la consommation annuelle d'une ville comme
Rennes.
Bibliographie : Électricité de France - EDF
Usine
marémotrice de la Rance - 35780 La Richardais
Photothèque EDF & Archives ville de Rennes
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